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Et ne prends pas ma main
7 mars 2008

L'autre rive

(C'est insupportable d'écrire, ou plutôt de ne pas écrire. Ce que j'écris me tue de l'intérieur, de par sa médiocrité. Seuls les mots me suivront, m'ont toujours suivie disais-je, quelle connerie. Ils ne suivent que parce que je les y force, et ils me suivent mal. Trahison.)

            

J'aurais voulu vous dire que ça ne tourne pas rond, dans ma tête. J'aurais voulu soutenir avec hargne qu'il ne faut pas être sain d'esprit pour pouvoir écrire, car le sain d'esprit n'a pas de vie intérieure. C'est bien connu. Pour gagner sa santé, il la tue, il l'étouffe ; il n'a plus ces courants chauds et ces courants froids qui s'entrechoquent sans cesse dans la mer, salée, de ses pensées confuses. Il n'a pas la nausée, le malaise étrange quand cela tangue de l'intérieur. Il ne ferme pas les yeux pour regarder passer des navires fantômes dans sa tête.


J'aurais voulu hurler que...

Je ne veux pas de vos santés psychiques aseptisées ; je veux que cela tangue, que cela tangue ! Attendez, vous n'avez pas compris : je ne veux pas me morfondre, je veux connaître des moments de joie et des moments de détresse, mais des moments forts. Tant pis pour le dehors, tout cela doit se passer en moi, et je dois laisser les mots en jaillir, seuls. Tout seuls. Oui, monsieur Freud, oui maman, cela s'appelle la maniaco-dépression (ou cela peut y ressembler.) Peu importe. Tout vaut mieux que l'ennui. Je veux vivre, oh monsieur Nietzsche, l'injustifiable ! Je vous aime, contre toute morale, vous qui étiez fou, fou, fou. Pas de morale pour les fous, aucun besoin : ils ne connaissent pas la société. Ni politique, ni éthique, juste la vie - enfermez-moi, si vous le voulez, en hôpital psychiatrique, mais laissez-moi écrire, écrire ! Ecrire des horreurs, des conneries, de la merde, un torchon qui ne vaut rien, mais laissez-moi écrire. Laissez-moi des livres et des images. Des fenêtres, pour boire le monde. Et puis, laissez-moi le recracher, en vomir un nectar dont moi seule saurai le goût divin, un feu d'artifice d'insanités sur des cahiers froissés que vous jetterez aux ordures. Mais ce sera des milliers de cahiers. Tant que si vous voulez un jour les brûler le feu sera visible à des milliers de kilomètres à la ronde...

Oh, je suis fatiguée. Tout cela n'a pas de sens.

Je suis fatiguée.

Je vais sans doute me laisser aller aux choses de ce monde, à être raisonnable : il le faut.
Oublier cet instant, douloureux mais génial, où l'on marche sur un fil, un côté du corps trempant dans l'éther de la folie.
Cet instant est celui de l'adolescence.

             

Je vais devenir adulte.

(Et je voudrais que vous sachiez le ton profondément las, les paupières qui se closent un instant sur le visage grave, le profond soupir qui s'échappe de ma poitrine à l'énoncé de ces mots. Adulte. C'est le temps où l'on n'écrit plus, parce qu'il faut bien entrer dans le monde.)

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