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Et ne prends pas ma main
28 décembre 2007

Lettre (II)

Bonjour...

Je te demande d'avance pardon pour ce que je vais écrire...

Je me sens un peu perdue, ne sais trop par où commencer, peut-être pas vraiment où je veux en venir. Mais je crois qu'il faut que j'y arrive, que je cesse de tourner (je crois, sans en être tout à fait sûre, que c'est ce que j'ai fait jusqu'à présent) autour du problème, sans mettre le doigt dessus. Je crois que je ne veux pas le voir... Il me fait peur, sans doute...

Mais ça ne sert à rien que je reste dans le vague, comme ça. Non, absolument à rien.

Ce qui s'est passé, je crois, qui me conduit à t'écrire, c'est que je me promenais sur le blog de B. J'y ai lu ou relu de vieux articles. Il y a eu celui - très vieux -, adressé à G., où il sentait venir la rupture, à cause de L. Je ne sais pas pourquoi, il m'a beaucoup touchée, plus sans doute que quand je l'avais lu à l'époque. Cela fait quelques jours déjà que je me disais que B. était peut-être l'une des rares personnes que je lise à parler de l'amour sans craindre de ridicule (et je crois qu'il a raison, il n'y avait rien de ridicule dans ce texte, au contraire.) Mais ceci ressemble fort à une digression, et n'a pas grand chose à voir avec ce que je voulais te dire. Non, ce qui a plus à voir avec ce mail, c'est un autre vieil article sur lequel je suis tombée, sur ce blog : je ne l'ai pas lu en entier, mais il était adressé à ses amis, un soir où il n'avait appelé personne alors qu'il n'allait pas bien. Tu t'en souviens peut-être : tu avais commenté cet article.

C'est ce commentaire qui m'a marquée, et qui me pousse, je crois, à t'écrire ce mail dont je te demande, encore une fois, pardon. Je ne sais pas combien de fois j'ai lu et relu ce petit commentaire. Jamais, je crois, je ne t'ai rien lu écrire de semblable ; jamais je ne t'ai lu témoigner ainsi de l'amitié à quelqu'un. J'ai été profondément touchée, ces derniers jours (pas si derniers que ça peut-être, enfin ça n'était qu'il y a deux semaines après tout), que tu m'écrives que je pouvais t'appeler dès que j'en ressentais le besoin, que tu me dises de faire attention à moi, que tu étais désolé de ne pas pouvoir m'aider. J'avoue que je ne m'y attendais pas vraiment, venant de toi qui es si silencieux, si absent tant que je ne te fais pas signe, et parfois même quand je le fais. Cela m'a fait plaisir. Mais ce commentaire, c'était encore autre chose. Je ne le réécrirai pas ici, je me sens déjà presque trop indiscrète de l'avoir lu. Ces mots n'appartiennent qu'à vous et ne me regardent pas ; je te demande pardon de t'en parler comme ça. Mais tu y disais, vraiment, sincèrement, ton amitié pour ce garçon. Et cela m'a fait, je crois, comprendre quelque chose.

Quoique je me demande tout d'un coup si j'ai vraiment compris, car à présent je ne sais plus comment l'exprimer, cette chose que je dis avoir comprise...

Comment dire. Je crois que tu as touché dans le mille par ce commentaire, toi qui pourtant te disais trop petit, qui disais que ta seule voix, voix de presqu'inconnu, ne suffirait sans doute pas pas pour le réconforter... Et pourtant ! c'est de ça que l'on a besoin, exactement de ça, et de rien d'autre, lorsque cela ne va pas : d'une voix qui vous dit que vous existez, ne serait-ce que pour elle, une voix qui vous dit qu'elle tient à vous, et qu'elle tient à vous à ce point ! exactement comme tu l'as fait pour B. C'est tout. C'est la seule chose qui manque, la seule chose qui, par son absence, fait que l'on ne va pas bien : cette voix. Cet autre qui vous dit son amitié.

Cela fait très longtemps que je n'ai dit mon amitié à personne, ni l'inverse. Oh, très longtemps, disons depuis un an et demi environ je crois, c'est-à-dire depuis M., est-ce long, cela dépend sûrement en regard de quoi. Mais cela fait depuis ce temps là, je crois, que je ne veux plus que personne n'ait d'importance pour moi, parce que cela risquerait de faire mal ; depuis ce temps là que personne, non personne vraiment, ne m'a dit que j'étais importante pour lui/elle. (A part mes parents ; je ne dirai pas que cela ne compte pas, évidemment, mais je crois que tu comprendras sans que j'ai besoin de l'expliquer que ce n'est pas suffisant.)

Alors, je dis que je trouve ridicules des gens qui, d'après moi, s'inventent l'importance que d'autres ont pour eux. Je dis qu'il n'y a aucune raison que des gens soient plus importants que d'autres. C'est vrai sans doute, il n'y a aucune raison, mais qu'importe qu'il y en ait une ? En vérité, c'est moi qui suis ridicule : j'ai peur, simplement, peur que l'importance que les autres auraient pour moi ne me fasse que du mal ; et je me cache derrière mes raisonnements, parce que je ne veux ni m'avouer que j'ai peur, ni m'avouer que je souffre de n'être importante (je veux dire, vraiment importante) pour personne.

Alors il faut que je te dise une chose, L., que je n'arrive pas à savoir si tu sais, dont je n'arrive pas à savoir si je l'ai déjà vraiment dite ou non. Il faut que je te la dise, parce que tant que je ne l'aurais pas dite clairement, je crois que je passerai mon temps à me dire - et à l'accepter - qu'elle n'est pas vraie, qu'elle est absurde, qu'elle n'a pas de sens, comme je le fais jusqu'à présent - juste par peur.
Je sais que je t'ai déjà dit que tu n'étais pas quelqu'un d'ordinaire, que j'aimais ce que tu écrivais, que j'aimais ta compagnie, des choses comme cela. Toi pas, et c'est pour cela que cela me fait mal à chaque fois de dire ces choses, et que chaque fois je me jure presque en même temps de ne jamais le redire, et même de cesser de le penser.
Mais entre ce que je dis parfois et le reste du temps où je m'interdis même d'y penser, je ne sais pas ce que tu en retiens, ce qui ressort ou ne ressort pas. Alors je voudrais te dire que s'il y a quelque part quelqu'un pour qui j'éprouve, sincèrement, profondément, de l'amitié, c'est bien toi. Et je voudrais que tu comprennes à quel point c'est vrai, comme tu avais l'air de vouloir que B. le comprenne quand tu le lui disais.

Cela peut peut-être sembler étrange, je ne sais pas. La plupart de nos échanges se sont faits de derrière un écran, nous ne nous sommes vus qu'une seule fois, pendant trois petits jours. Mais tu disais bien à B. que vous étiez presque des inconnus. Peu importe tout ça !

Ce que je sais c'est que j'ai, depuis M. et les quelques amitiés aujourd'hui mortes qui l'accompagnaient, le coeur à sec ; une pierre. Asséché et durci par la peur. Et dans cette pierre, il y a comme une entaille, infime, imperceptible, qui donne sur le coeur vivant, celui qui ressent encore. Mais, dans cette entaille, le coeur est encore à vif : cela pique. Alors il y a la philosophie, le grec ancien, le latin, toutes ces choses qui n'ont rien à voir avec le coeur, qui en détournent : l'entaille se referme. Ne reste que la pierre. Pourtant, dès que je me tourne à nouveau vers le coeur, dès que, simplement, je le regarde - ce que j'évite tant que je le peux, mais il y a toujours un moment où l'on y revient -, il y a à nouveau cette entaille, infime et imperceptible, ouverte sur le coeur qui ressent. Et cette entaille c'est toi qui y as ta place. C'est toi qui touche à l'amitié qui doit bien exister quelque part sous la croute sèche.

Je parle d'amitié. Pas d'amour. Je ne sais pas ce que c'est que l'amour - je veux dire que j'ai oublié, je crois.

Je pourrais te dire que je voudrais te voir, à Dunkerque, à Paris, à Tombouctou, peu importe. Te voir.
Mais je ne sais pas si cela aurait encore un sens si tu n'en avais pas envie aussi.
Et je ne sais pas ce que cela veut dire quand tu me dis : "ce n'est pas que je n'ai pas envie de te voir, loin de là".
Je ne sais pas.

Tu es important pour moi - et cela me fait peur.
Je ne suis importante pour personne.
Je crois que le problème autour duquel j'ai tendance à tourner sans vouloir le voir peut se résumer à ça.

Alors voilà. Je pense que je n'aurai pas de réponse à ce mail tout de suite, et peut-être qu'elle commencera encore par "je suis désolé de ne pas avoir répondu plus tôt."
Mais le temps, ce n'est pas grave ; non, ça n'a aucune importance.
Simplement, je voudrais que surtout tu ne me dises rien qui ne soit pas vrai.
Et si tu n'es pas en mesure de me réconforter, surtout, tu n'as pas le droit de t'en vouloir.

Je te demande pardon...

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