Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Et ne prends pas ma main
18 décembre 2007

Lettre (I)

Je ne sais pas d'où me vient l'envie de rompre ce silence stupide, mais elle me vient - cela suffira. J'avoue que je ne suis pas sûre que ce soit parce que cela m'intéresserait de savoir ce que tu deviens, ou quelque chose comme ça. Je crois que c'est purement égoïste ; je dois bien me rendre à l'évidence que cela fait longtemps que savoir comment tu vas m'est totalement indifférent. Cet intérêt a trop été étouffé par le désir (désespéré, ma foi) que j'avais, il fut un temps, d'avoir l'impression d'exister pour toi - désir qu'il a fallu étouffer à son tour parce que ça n'était pas vivable.

Je me demande ce que tu vas penser de ce que je dis là. Je me demande ce qu'en penseraient "les gens" en général. Je me demande toujours ce que vont penser "les gens". Est-ce que tu vas mal le prendre ? Te sentir agressé ? Après tout, peu importe. Me trouverait-on ridicule, stupide, que sais-je encore ? Certainement. Mais je les emmerde, les autres. Ils auraient raison et tort à la fois. Je suis ridicule, oui ; mais qui a trouvé le chemin qui évite le ridicule ? J'aimerais ne plus avoir peur du ridicule. Je n'en avais pas peur avant de te connaître. Ou pas autant. Tu distinguais trop les bons chemins des mauvais. Comme s'il était si simple de les distinguer, comme s'il y en avait de meilleurs que d'autres (ce qui est peut-être vrai.)

Non. Si je t'écris, c'est parce qu'en retombant sur une lettre jamais envoyée (qui t'était destinée), je me suis souvenu. Souvenu de ce à quoi j'aspirais, avant. Souvenu de ce qui devait remplir ma vie, la priver de son vide. Avoir une importance. Aussi ridicule que cela puisse paraître (et j'en ai profondément honte tout autant que j'ai honte den avoir honte), je voulais ne plus être seule. Je voulais aimer (c'est ce mot qui est ridicule.) Depuis toi ma vie s'est vidée de ce contenu (contenu, sinon de ma vie, du moins de mon désir.) Je n'arrive pas très bien à saisir pourquoi elle s'en est vidée à ce point là. Peut-être parce que je ne pouvais pas imaginer qu'il fût possible que certains ne désirent pas la même chose que moi. Naïveté, mon dieu ! Tu m'as appris que peu de gens désiraient vraiment ce que je désirais, moi. Et aussi que ça n'existait pas, peut-être. Mais le vide est là, et plus rien n'a d'importance.

Pourquoi est-ce que je t'écris ça à toi ? Cela, je crois que je le sais. C'est comme je l'écrivais dans cette lettre jamais envoyée : "C'est pas vraiment une lettre. C'est surtout des pensées. Des pensées à partager, comme si tu étais le seul à pouvoir comprendre ; j'ai toujours eu ce sentiment là, je ne sais pas vraiment pourquoi [...] Je crois que si je crois que tu peux comprendre, c'est que ma solitude a encore ton visage. Il faut que ce visage s'efface." Le visage s'est effacé, mais il est le dernier a avoir existé. Tu es le dernier dont j'ai eu la fausse impression qu'il pouvait comprendre. Le dernier à avoir donné une consistance à ma vie qui n'en n'a plus depuis que je vis dans mes études. Ou que j'y oublie de vivre.

Je vais quand même te dire que j'espère que tu vas bien, parce que cela se fait.

Je ne te demande ni de répondre, ni de t'inquiéter de comment je vais, moi. Je sais que ça ne t'intéresse pas non plus. Je sais que toutes ces belles choses que tu as pu me dire, ce n'était que conneries lâchées en l'air. D'ailleurs tu n'étais jamais à ce que tu disais. Et à vrai dire, le pire, c'est que je m'en fous.

Ce que je voulais te dire la dernière fois que j'ai voulu te voir - mais que tu n'as évidemment pas trouvé de temps à m'accorder -, c'est que je te hais. Que ça ne dépend de rien d'objectif. Que tu n'es sans doute pas, en toi-même, particulièrement bourré de défauts, un personnage ignoble par nature. Non, c'est totalement subjectif ; ça ne vient que de moi, et de ce à quoi tu es associé dans mes souvenirs - c'est à dire à tout ce que je viens d'écrire. Mais c'est ainsi. Je te hais.

Publicité
Publicité
Commentaires
Et ne prends pas ma main
Publicité
Publicité